Souhaitant résolument mêler les voix d’universitairesà celles d’artistes inspirés par la Première Guerre mondiale, ce dossier inclut les témoignages de contemporains inspirés, voire habités par ce conflit. Dans leurs univers artistiques respectifs (celui de la bande-dessinée chez Marko, de la littérature pour enfants chez Géraldine Elschner et de la musique chez Céline Papion), on peut bel et bien parler d’une recherche minutieuse de traces de la Grande Guerre au service d’un art qui conjugue mémoire, hommage, reconstitution esthétique, pacifisme et créativité ludique. Dans les présentations de leurs processus créatifs, l’émotion s’est souvent invitée, le public a senti l’histoire familiale affleurer, ainsi qu’une volonté de resserrer les liens entre la France et l’Allemagne. Création rime ici avec cicatrisation et deux de ces trois artistes (Marko et Céline Papion) nous ont même livré une performance artistique en direct.
Laissons tout d’abord ces trois artistes se présenter avec leurs propres mots avant de renvoyer à la séquence filmée de leurs interventions respectives.
Marc Armspach, de son nom de pinceau « Marko », est illustrateur et auteur BD. D’un père alsacien et d’une mère bordelaise, il est né dans la capitale girondine, mais a grandi sur les hauteurs de Bayonne, au milieu des HLM. Il n’hésita pas à les investir à grands coups de marqueur, dès qu’il en eut l’opportunité. Cela dit, le lien avec sa famille d’Alsace n’a jamais été coupé et, sans en connaître l’importance, il a joué avec ses cousines, chaque été, sur des sites alsaciens dont il découvrira plus tard qu’ils constituent des hauts lieux de mémoire : le Hartmannwillerkopf ou encore le grand canon de Zillisheim, village de naissance de son père.
Son parcours scolaire est dédié non pas aux calculs mathématiques, mais au dessin. Véritable Guy Degrenne des petits personnages de bande-dessinée, il use les marges de ses cahiers en griffonnant des univers peuplés de héros aventureux. À l’âge de quatorze ans, tout s’accélère le jour où il reçoit, suite à un bref échange de courriers avec les éditions Dupuis, un dessin magique du grand Franquin, le génie créateur de « Gaston Lagaffe ». Si le dessin avait déjà été une passion jusque-là, il devient dès lors un véritable projet de vie. Redoublements après redoublements, il finit par être orienté vers une école des Beaux-Arts. Il la quittera en cours d’année pour aller vivre l’aventure à Paris… Il a vingt ans, il vient de claquer la porte de la prestigieuse école des Gobelins pour intégrer les studios
Trente-deux ans plus tard, le dessin est toute sa vie, son quotidien et son gagne-pain. Les boucles de l’histoire se reforment : La Grande Guerre est devenu son sujet de prédilection avec la série
Liens réseaux sociaux de Marko :
De manière passionnante, spontanée et vivante (planches de BD et iconographie à l’appui), le dessinateur Marko nous révèle le véritable travail de bénédictin qui sous-tend chacun des albums des Pour retrouver l’entretien intégral, cf. l'enregistrement ci-joint.
Après son exposé et comme fasciné par les témoignages de Géraldine Elschner, Marko n’a pu s’empêcher de se lever pour dessiner au tableau, sous les yeux amusés et fascinés du public, un poilu et un godillot orné d’un petit chêne, allusion à l’intervention de Géraldine Elschner.
Géraldine Elschner, traductrice et autrice jeunesse, est née à Comines, petite ville frontière du Nord réduite en cendres pendant la Première Guerre. Les paysages de cimetières aux interminables rangées de stèles blanches ont marqué son enfance. Ses deux grands-pères se sont battus dans ce secteur des Flandres, mais « l’un contre l’autre » : le père de sa mère française face au père de son père allemand. Ont-ils fraternisé un soir de Noël, comme d’autres soldats du front ? Elle l’a espéré longtemps…
Cette double identité marquera son parcours personnel et professionnel : études d’allemand et de lettres modernes, tantôt dans un pays, tantôt dans l’autre ; suivies d’une formation de bibliothécaire section jeunesse ; puis la traduction de livres pour enfants comme trait d’union entre les deux langues… Et enfin l’écriture de ses propres textes (soixante-sept titres entre-temps) publiés dans les deux pays et eux-mêmes traduits dans de nombreuses langues. Elle est mère de trois enfants nés en Allemagne où elle vit aujourd’hui – entre deux retours en France.
Le centenaire de la Première Guerre a été pour elle l’occasion d’aborder enfin le thème de cette histoire familiale déchirée. Quatre titres ont ainsi été publiés en 2014, deux traitant de l’identité et de la réconciliation, et deux des fraternisations de Noël 1914 :
Site internet de Géraldine Elschner :
De manière tout aussi personnelle et touchante que Marko, Géraldine Elschner évoque la lente genèse de ses projets artistiques sur la Première Guerre. Elle aussi est fascinée par les objets que nous a légués la Grande Guerre : comme Marko, elle a été inspirée par un godillot de soldat retrouvé dans un champ ; ou encore par les têtes d’obus qui continuent d’affleurer chaque année durant les récoltes de pommes de terre dans ses Flandres natales… Ces objets-cicatrices deviennent dès lors les personnages principaux de ses albums ou livres-jeunesse ( Pour retrouver l’entretien intégral, cf. l'enregistrement ci-joint.
Céline Papion est une artiste singulière, curieuse et éclectique. Au gré des rencontres et de ses engagements artistiques, elle est à la fois violoncelliste, interprète de musique contemporaine et ancienne, mais aussi performeuse ou directrice artistique. Son travail et son engagement dans le domaine de la musique contemporaine ont été récompensés par le Prix
Céline Papion s’est formée en France et en Allemagne auprès de violoncellistes et pédagogues de renoms. Durant ses études, elle a bénéficié du soutien de la Fondation Yehudi-Menuhin,
Céline considère la musique comme un médium multidimensionnel et transgénérationnel, qui peut être mis en scène et devenir une oeuvre d’art totale. Le visuel, l’espace, le contenu, l’aspect performatif, théâtral et musical occupent une place centrale dans ses créations. Céline joue régulièrement dans les théâtres tels que le
Son projet
Site internet de Céline Papion :
La metteuse en scène Anna Drescher et Céline Papion exposent d’abord la genèse du spectacle Pour retrouver l’entretien intégral et le mini-concert, cf. enregistrement ci-joint. Les enregistrements des quatre artistes sont dus à la Misha.