En arrière-plan des dialectiques conceptuelles complexes qui sont à l’œuvre dans les phénomènes étudiés au sein du présent dossier de la revue Symposium culture@Kultur, consacré à « culture et religion », il y a en premier lieu la délicate et subtile distinction entre Kultur et Bildung en allemand, une distinction qui n’exclut pas des interactions étroites ou des chassés-croisés sémantiques entre ces deux termes. Ces interactions et chassés-croisés s’avèrent d’autant plus difficiles à appréhender qu’il faut y adjoindre au moins un troisième terme (civilisation/Zivilisation) et considérer le fait qu’aucun de ces trois termes et de leurs traductions ou équivalents en français ne sont univoques, ni ne coïncident parfaitement : on se trouve dès lors placé face à un dispositif particulièrement embrouillé, dans lequel les stéréotypes nationaux et l’imagologie, c’est-à-dire leur analyse (Raulet 1990, 2007), jouent en outre un rôle non négligeable selon les périodes. Avant de revenir plus précisément sur chacun de ces termes à partir d’une étude fondamentale de Georg Bollenbeck (1994) sur le sujet, on peut retenir d’ores et déjà des éléments de définition minimaux et une sorte de sens commun à affiner ci-après : Kultur correspond souvent à la notion de civilisation, telle qu’elle est utilisée en français et vise un large environnement quotidien donné (Tournier 1990), incluant coutumes, pratiques, techniques, mais à laquelle il faut associer en outre la dimension de modernité, notamment dans le dernier tiers du XIXe siècle. On traduit alors ce terme par civilisation moderne ou culture moderne.
La notion de Kultur, qui renvoie souvent à l’opposition Natur/Kultur, est associée dès le XVIIIe siècle à celle de Bildung. Cette dernière signifie à la fois « culture » et « éducation » comprises dans leur dimension de processus graduel. La conception de la Bildung telle qu’elle fut exprimée par Wilhelm von Humboldt a particulièrement fait florès. Dans sa Theorie zur Bildung des Menschen (1794/95), il insiste sur le « besoin intérieur [ressenti par tout individu] d’élargir le cercle de ses connaissances et de son efficacité », désignant par là un processus intellectuel et spirituel de perfectionnement de soi-même et d’épanouissement individuel sur lequel on reviendra. Si on le transpose dans le champ sémantique français, le terme de Bildung renvoie donc, entre autres, à ce qui a trait à la culture d’une personne, à tout cequi l’enrichit et lui apporte un surcroît d’être1. Mais on le voit dans diverses contributions du présent volume, les notions de Kultur et de Bildung sont inextricablement liées à l’histoire de la « bourgeoisie cultivée » (Bildungsbürgertum) – appelée aussi « bourgeoisie culturelle » (Baechler 2021) ou « bourgeoisie de culture » (Merlio 2006) – en particulier à travers sa composante universitaire.
Dans le cadrage initial du présent dossier, les aspects conceptuels relatifs à la question du rapport entre religion et culture, et notamment les différentes acceptions possibles du terme culture, tant en français qu’en allemand, n’ont volontairement pas été précisés afin de laisser toute latitude aux auteurs dans leur exploration du périmètre notionnel retenu. Ceux-ci se sont alors efforcés de travailler les notions (et notamment celle de culture) de façon nuancée et problématisée. Il est intéressant de le mettre en évidence dans le cadre de ce glossaire.
L’apport du livre de Georg Bollenbeck (1994) est considérable pour la problématique traitée dans ce dossier. Dans une étude qui combine la sémantique historique, l’histoire des idées et l’histoire des mentalités, il retrace l’évolution notionnelle par-courue par les trois termes Kultur, Bildung, Zivilisation dans divers contextes politiques, économiques, sociaux et intellectuels eux aussi en mouvement, et en faisant intervenir d’autres idées ou concepts qui sont familiers aux connais-seurs de l’histoire allemande, tels le couple Staatsnation/Kulturnation cher à Friedrich Meinecke (1907) ou bien la notion de Sonderweg. Il défend ainsi l’idée d’une voie particulière (Sonderweg) sémantique caractérisant l’emploi pendant une certaine période historique des trois termes évoqués.
Au commencement étaient les substantifs latins cultura/cultus2 (issus du verbe colere), renvoyant à la tradition paysanne, la constitution militaire et l’activité d’une noblesse foncière propres à Rome (Bollenbeck 1994 : 38). Désignant tant le processus que le résultat de l’activité, le terme romain de cultura va progressivement se concentrer sur la notion de résultat et concerner l’ensemble des activités humaines sans exclusive. Le terme cultura connaît des oscillations et des variations de sens (entre signification large ou plus stricte) pendant l’Antiquité et le Moyen-Âge, puis surtout aux époques moderne et contemporaine qui nous intéressent principalement ici sous la forme Kultur. Bollenbeck montre ainsi comment le terme de Kultur correspond grosso modo, à l’époque des Lumières – moment-clef où sont forgés de nombreux concepts3 – à ses équivalents anglais et français « civilisation4 » dans leur analogue et large acception, avant de se limiter strictement aux domaines de la langue, de l’art et de la science, lors du tournant-clef idéaliste/néo-humaniste de la fin XVIIIe / début XIXe siècle, puis de s’élargir à nouveau pour se rapprocher derechef de l’acception large de « civilisation » à la fin du XIXe siècle à la suite des bouleversements entraînés par l’industrialisation, le développement de l’économie capitaliste, les progrès enregistrés dans les sciences de la nature etc. Ce nouveau rapprochement sémantique entre Kultur et « civilisation » reste cependant corrélé à l’usage allemand dépréciatif du terme de Zivilisation (réservé aux aires anglophone et francophone5), tel qu’il s’était progressivement établi à partir du début du XIXe siècle avant d’atteindre un paroxysme dans le contexte de la Première Guerre mondiale, célébrée par la propagande comme une Kulturkrieg (Bollenbeck 1994 : 23).
Partant de l’étymologie des termes Kultur et Bildung et des arrière-plans philologiques respectivement mobilisés par ceux-ci, G. Bollenbeck rappelle l’antagonisme qui s’est constitué et renforcé au fil du temps entre les connotations paysannes, militaires, matérielles, concrètes attachées à la cultura romaine (et plus ou moins sous-entendues initialement dans le mot Kultur), d’un côté, et la spiritualisation et l’hellénisation progressive6 du concept de Bildung, de l’autre, ainsi que l’éviction, hors de de son champ d’application, de la notion de travail corporel ou de toute dimension politique. La rupture s’effectue lors d’une étape importante de cette histoire, à la faveur du développement de l’idéalisme et du néo-humanisme. Bollenbeck présente ce moment comme un véritable nœud historique et conceptuel (Bollenbeck 1994 : 24, 35), où une double mutation et innovation sémantique s’opère. Alors que pour les Lumières tardives, le terme de Bildung pouvait encore être synonyme d’éducation ou de formation (Erziehung, Ausbildung), voire de Kultur dans son acception processuelle, son sens se restreint au tournant du XVIIIe au XIXe siècle – dans un contexte marqué par le traumatisme suscité par la Terreur d’une part, puis par l’hégémonie napoléonienne d’autre part et la nécessité de se démarquer de cette double expérience. Bildung qualifie alors plus spécifiquement le programme intellectuel néo-humaniste visant un autoperfectionnement personnel sans finalité (zweckfrei) autre que l’épanouissement complet de l’individu. Marqué biographiquement et intellectuellement par cette empreinte (Nipperdey 1998 : 57-69 ; Möller 1998 : 627-632 ; Dumont 1991 : 108-184), Wilhelm von Humboldt en est devenu un promoteur privilégié, notamment à travers son rôle dans le dispositif de réformes prussiennes (éducatives et universitaires en particulier). Avec un certain nombre de philosophes « vulgarisateurs » (Popularphilosophen)7 et autres médiateurs ayant œuvré à l’ancrage institutionnel du néo-humanisme, il occupe une place éminente dans cette histoire. S’amorce alors selon Bollenbeck (1994 : 26) un processus de trivialisation progressive de cet idéal dans lequel la bourgeoisie cultivée, vecteur de Kultur, joue un rôle central en en démultipliant l’impact social. Au-delà de la bourgeoisie cultivée et des milieux académiques ou universitaires, la Bildung a une fonction de distinction sociale, reconnue par de nombreux groupes sociauxjusque dans le mouvement ouvrier (Bollenbeck 1994 : 14-158). Associée initialement à l’idéal cosmopolite des citoyens du monde, la Bildung se nationalise de plus en plus fortement dans la seconde moitié du XIXe siècle et jusqu’au milieu du XXe siècle, avant d’être dévoyée par l’idéologie national-socialiste. Bollenbeck parle à ce propos de « démission » (Versagen) des élites allemandes cultivées quand d’autres parlent carrément de « trahison » (Baechler 2021).
A différents titres, cette pensée de la Bildung comporte une dimension religieuse. Etymologiquement, elle s’enracine dans la langue de la mystique et du piétisme9 (Bollenbeck 1994 : 33, 103sq.) et s’insérant dans le champ sémantique de l’image, renvoie à l’idée d’un être humain créé à l’image de Dieu (Ebenbildlichkeit Gottes). Sur le plan historique, le surin-vestissement intellectuel et spirituel dont la Bildung a fait l’objet de façon croissante au cours du XIXe siècle, a conduit les historiens à parler à son propos d’une religion de la Bildung, à interpréter au sens d’un ersatz de religion ou d’une forme de religion civile. Bollenbeck (1994 : 26) évoque le pathos, la « piété profane » (weltliche Frömmigkeit) qui l’ont entourée. Cette fonction quasi-religieuse de la Bildung ainsi survalorisée touche aussi par ricochet la Kultur allemande, également surinvestie10, qui en est le support, l’expression objectivée en quelque sorte.
Sur le fondement des évolutions décrites par G. Bollenbeck, un certain nombre d’éléments mis en évidence par Gisa Bauer dans sa contribution prennent tout leur sens : on comprend que la conception de la Kultur sous-tendant les écrits de Friedrich Schleiermacher (1768-1834) s’inscrit encore dans une acception large de ce terme, tandis qu’à l’inverse, l’acception défendue par Albrecht Ritschl (1822-1889) relève de la mutation et limitation sémantique, consécutive au tournant néo-humaniste et idéaliste décrit par Bollenbeck. De façon analogue, il apparaît que les différents sens de « culture » dégagés par Isabelle Saint-Martin (indépendamment de la religion), lorsqu’elle soupèse les ambitions et limites d’une approche culturelle des faits religieux à l’école publique française, relèvent tantôt de l’approche objectivante de la culture décrivant le résultat collectif de larges activités humaines, ou tantôt du processus d’appropriation et d’affinement de connaissances entraînant une émancipation par le savoir. Au-delà de la finalité culturelle, patrimoniale, artistique de l’enseignement des faits religieux, abordé à travers l’histoire des arts et visant à enrichir la culture générale des élèves, Isabelle Saint-Martin montre que s’y ajoute un objectif civique comprenant l’ouverture à d’autres traditions culturelles et religieuses et l’apprentissage de la tolérance. Sébastien Fath rappelle, quant à lui, combien la conception de la culture comme vecteur de formation et de transformation de la personne coïncide globalement avec la Bildung allemande.
L’usage qui a été fait du terme de religion dans les diverses contributions concerne principalement les religions monothéistes, et notamment les confessions chrétiennes, envisagées selon des approches politique, historique, sociale, juridique, sociologique, théologique, tant sous l’angle de la place qu’elles occupent dans des espaces déterminés de la vie publique (école, espace public, vie culturelle etc.) que sous celui des différentes représentations mentales ou des pratiques culturelles qui y sont liées.
S’il n’y a pas en sociologie ou en anthropologie de définition incontestable de la religion, on peut se reporter à la compréhension qu’en avait Durkheim (1912) ou encore à celle de Marcel Mauss, entendue de façon générale comme « mode de construction sociale de la réalité »11. En sociologues de la religion, Danièle Hervieu-Léger et Jean-Paul Willaime définissent, quant à eux, la religion comme « système de références auquel les acteurs recourent spontanément pour penser l’univers dans lequel ils vivent » (Hervieu-Léger / Willaime 2001)12.
Rappelons enfin qu’à la fin du XIXe siècle et au cours des premières décennies du XXe siècle, bien des auteurs (théologiens, philosophes, sociologues) de l’aire germanique en particulier, dont l’ambition était de rendre compte de l’émergence des sociétés modernes, se sont intéressés, dans leurs études sur la culture de leur temps, aux liens entre culture et religion et au rapport dialectique et toujours renouvelé qui existe entre ces deux termes. On pense notamment à des théologiens ou philosophes (Troeltsch, Tillich, Bultmann, Gogarten, Barth) ou encore à des sociologues (Weber, Simmel, Durkheim) qui avaient une vive conscience de la dimension religieuse de ce qui se jouait dans la culture de leur époque et pour qui il était impossible d’évacuer cette dimension de toute réflexion sur la culture (Kultur). Plusieurs de ces penseurs occupent une place de choix dans la contribution de Gisa Bauer. Si les concepts de culture et de religion ont donné lieu à de très amples débats et développements théoriques, on note un point de convergence entre ces différents auteurs quant à l’impossibilité d’en donner une définition consensuelle. C’est ce que donne également à voir la contribution de Lise van der Eyk : la méthode d’analyse du discours et le corpus de débats parlementaires exploités par elle révèlent combien les définitions des termes « culture » et « religion » pouvaient être particulièrement mouvantes et plurielles, selon les camps politiques et les contextes nationaux, pour une époque donnée relativement restreinte, celle de Kulturkämpfe considérés à l’échelle européenne.
Divers articles du dossier ont permis d’approfondir des notions-clefs de la problématique. Celles-ci apparaissent dans leurs titres ou dans leurs mots-clefs (piétisme, Kulturprotestantismus, Kulturkatholizismus, Kulturjudentum, Kulturkampf, ultramontanisme), qu’il s’agisse de termes composés sous-entendant l’articulation des deux concepts centraux ou de notions spécifiquement religieuses, pouvant s’y référer. La contribution d’Isabelle Saint-Martin met en lumière la notion de « fait religieux », renvoyant à la notion de « fait social » développée par Durkheim, et montre l’avantage s’attachant à l’usage pluriel du terme à l’inverse d’un singulier qui essentialiserait le phénomène sous-jacent. Certaines contributions évoquent d’autres questions adjacentes à la problématique, telle la question de la confessionnalisation (François 2007) théorisée par Wolfgang Reinhard et Heinz Schilling dans les années 1980 (voir la contribution d’Hubert Guicharrousse), ou celle d’acculturation ainsi que la possible déclinaison de l’adjectif religieux dans ses diverses dimensions (cultuelles, spirituelles ou sacrées) dans le cas du Gospel francophone, étudié par Sébastien Fath. La question de la culturalisation du religieux est en outre abordée par Sylvie Toscer-Angot qui montre que la décision récente du gouvernement bavarois d’apposer des croix dans les bâtiments publics est moins affaire de croyance que d’appartenance culturelle, la dimension chrétienne de la croix étant minorée au profit de sa dimension culturelle ou historique. Sébastien Fath, quant à lui, met également en perspective les phénomènes de culturalisation en pointant d’un côté un risque de réification et de l’autre la dimension de « territoire circulatoire » qui peut s’y attacher.
Au sein du présent numéro, l’articulation des deux grands domaines ici scrutés à la loupe est envisagée selon des approches et des grilles de lecture variées. Ainsi Hubert Guicharrousse se concentre-t-il sur la culture du quotidien et les tentatives de stricte réglementation qui l’affectèrent au sein du protestantisme strasbourgeois des débuts. Mus par une forte volonté de disciplinarisation pastorale et sociale, certains réformateurs parmi les plus radicaux cherchèrent, dans un élan qu’on peut qualifier a posteriori de théocratique, à subordonner les autorités civiles à leur dessein de « purification » des conduites. Veronika Albrecht-Birkner, quant à elle, adopte une approche centrée sur la diversité complexe de cultures confessionnelles issues de la Réforme, mettant en évidence la prégnance de la dimension territoriale dans l’histoire allemande, en particulier culturelle et religieuse.
L’auteure utilise ce faisant comme grille de lecture opératoire le couple notionnel religiöse low culture / religiöse high culture renvoyant ici à l’opposition des concepts low church/high church issus de l’anglicanisme. Cette généalogie est importante car le couple notionnel employé par elle ne renvoie donc pas à l’antagonisme entre une culture populaire et une culture d’élite, mais bien plutôt à des cultures confes-sionnelles, voire à des modèles ecclésiologiques, développés par la base d’une communauté et entrant en tension avec d’autres cultures confessionnelles (ou d’autres modèles ecclésiologiques) mis en avant par la hiérarchie ecclésiastique. Des traits à première vue paradoxaux tel le développement d’une conscience élitiste au sein de ces petites communautés nées à la base sont une caractéristique à la fois typique et étonnante de ce phénomène.
En exergue de sa contribution, Armin Owzar envisage l’articulation entre culture et religion à travers le prisme d’une idéale harmonie et concordance entre les deux réalités sur le fondement d’une mythique unité de foi, telle qu’elle a été exprimée poétiquement et transfigurée chez Novalis dans son fragment utopique Die Christenheit oder Europa (1799). La vision de cet espace culturel mythifié, unifié par la religion confère donc une certaine coloration à son analyse consacrée à l’ultramontanisme envisagé comme une tentative ecclésiastique de maintenir ou restaurer une homogénéité confessionnelle supposée possible, en alliant conservatisme théologique, antilibéralisme et moyens modernes.
Un certain nombre de fils rouges diversement liés entre eux traversent différentes contributions. Trois contributions abordent ainsi les mots composés formés autour du terme Kultur, qui imprime sa marque spécifique à chacune de trois grandes confessions religieuses (protestantisme, catholicisme, judaïsme) ainsi qualifiées. Chaque terme forgé comporte sa singularité, son histoire propre et son arrière-plan particulier. Mais il apparaît que la période consécutive à la fondation du Kaiserreich, qui se trouve par ailleurs au centre de deux autres contributions, comporte sur ce point une véritable dimension matricielle. La puissance de l’idéologie de la Bildung, en tant qu’objectif de perfectionnement personnel, l’attrait exercé par le désir d’intégration au Reich protestant, les discussions autour d’un niveau éducatif, culturel, scientifique à élever, constituent quelques-uns des éléments-moteurs de ce moment spécifique. Le tournant du siècle (Jahrhundertwende) entre XIXe et XXe siècle apparaît alors comme un moment-clef dans lequel le mot Kultur, survalorisé, devient omniprésent et exerce une forte fascination et quasi-suggestion sur les locuteurs germanophones, avant que son usage ne bascule du côté du pessimisme culturel. Le terme de Kultur est alors soumis à des polarités contraires dont les effets se font sentir notamment dans les milieux protestants et catholiques. Dans ce contexte précis, une certaine étape de la genèse des mots Kulturprotestantismus, Kulturkatholizismus au début du XXe siècle est commune aux contributions de Gisa Bauer et Sylvie Le Grand.
A l’issue de ce tour d’horizon, il apparaît que les liens multiples entre culture et religion constituent un champ d’investigation particulièrement vaste et riche, que les quelques aspects explorés à travers les présentes contributions sont loin d’avoir épuisé. Ce dossier a accordé une grande place aux mots et à la terminologie. Leur usage s’est avéré singulièrement complexe et l’un des enseignements tirés concerne l’usage de l’adjectif « religieux ». Au-delà des multiples nuances qui peuvent également orienter ce terme du côté du spirituel ou du sacré entre autres, il gagnerait, afin d’éviter les malentendus, à être précisé en vue de spécifier s’il sous-entend principalement une dimension confessionnelle/confessante ou plutôt une connotation culturelle, sans composante croyante. La précision-même s’avère cependant parfois difficile tant le mélange paraît consubstantiel au terme lui-même. C’est pourquoi le « pur religieux » semble relever du mythe.